La question semble simple, la réponse quant à elle nécessite quelques explications. Partons du point de départ qui est celui de l’Europe et des pays qui la compose. La première information à disposer est celle de comprendre, comme j’ai pu le rappeler lors de mon passage sur la chaîne d’actualité Now.asharq de Dubaï le 23 janvier dernier, que le vieux continent ne produit pas de pétrole et presque pas de gaz. Il dépend donc du reste du monde pour sa consommation d’énergie ; 60,7 % de sa consommation énergétique sont satisfaits par l’importation.

De plus, les pays européens entre eux ne sont pas logés à la même enseigne. La France par exemple n’est pas véritablement dépendante du géant russe puisque ses importations représentent entre 17 et 19 %, là où ce chiffre atteint les 65 % pour l’Allemagne ou encore 93 % pour l’Estonie, 95 % pour la Hongrie, et même 100 % pour la République tchèque et la Lettonie.

Ainsi, les importations de gaz russe selon l’Agence internationale de l’énergie (l’AIE) représentent 40 % de la consommation en Europe, qui est de loin la première destination à l’exportation du gaz russe.

La réponse à la question évoquée en titre à cet article serait toute trouvée, néanmoins il est nécessaire de développer ces arguments.

Une double dépendance ?

Si l’Europe est aujourd’hui dépendante de la Russie pour assouvir son besoin en gaz naturel, il ne faut pas oublier que nous retrouvons une certaine dépendance de l’autre coté du robinet. Moscou dépend en effet de l’Union Européenne pour ses exportations. Plus précisément, cette énergie (considérée avec étonnement comme énergie durable de transition par la Commission européenne l’incluant dans la taxonomie[1]) joue un rôle primordial dans l’équilibre budgétaire russe avec 23 % des recettes du pays[2] et ses exportations constituent pas moins de 37 % de sa production[3] ; cela nous laisse donc à penser qu’il s’agit d’une source de revenu indispensable aux finances publiques russes. Et c’est peut-être la raison pour laquelle la Russie, consciente de cette dépendance européenne, programme depuis quelques années déjà une stratégie majeure en se tournant vers le marché asiatique afin de proposer sa production de gaz et de gaz naturel liquéfié notamment à la Chine.

En se détachant du continent européen, la Russie souhaite donc assurer ses arrières en cas de conflit avec l’Europe pour protéger ses finances voire même les renforcer avec de nouvelles alliances aux cotés de pays plus amicaux puisque également tournés vers le communisme.

Des énergies renouvelables coupables

Il ne serait cependant pas exact d’affirmer que cette dépendance européenne n’est due que par l’absence de production locale. En effet, l’Europe mise depuis quelques années sur le développement massif des énergies renouvelables tout en cumulant pour certaines nations, Allemagne en tête, arrêt brutal des centrales nucléaires. Ainsi, pour palier à l’intermittence des premières il est nécessaire pour ces pays de disposer d’une flexibilité permettant d’en limiter les inconvénients. Quoi de mieux que le gaz (d’autant plus lorsque l’atome a été écarté), puisqu’il se retrouve moins polluant que le charbon[4] et moins couteux que le pétrole…

J’ai par ailleurs largement évoqué cette dépendance au gaz des énergies renouvelables telles les éoliennes dans mon dossier que vous pouvez retrouver à cette adresse.

« Les énergies renouvelables intermittentes et variables, comme l’éolien et le solaire photovoltaïque, ne peuvent pas, seules, alimenter un réseau électrique de puissance de façon stable et pilotable si leur caractère aléatoire n’est pas compensé. »[5]

« Les pays comme l’Allemagne qui ferment leurs centrales nucléaires et annoncent les remplacer par l’éolien ou le solaire trompent le monde. En réalité, ils remplacent le nucléaire par le gaz, temporairement relayé par l’énergie éolienne quand le vent le décide, car il doit y en avoir suffisamment, mais pas beaucoup. Mais aussi par l’énergie solaire en période de plein soleil. Voilà qui explique clairement pourquoi jeudi dernier encore [03/02/2022], les Français ont émis 72 g de CO2 par Kwh d’électricité et les Allemands en ont émis 362 g, soit 5 fois plus ! » [6]

Les pays européens qui ont décidé de favoriser une énergie intermittente se sont donc rendus dépendants d’une énergie fossile dont les besoins ne pouvaient être satisfaits que par le fournisseur russe.

Vers quelle issue ?

Maintenant que nous avons répondu à la question de savoir pourquoi cette dépendance européenne existe, il est nécessaire de savoir si l’Europe peut se passer du jour au lendemain du gaz russe et suivre les pas des États-Unis et de l’Angleterre qui ont décidé de pratiquer un embargo sur cette source d’énergie en provenance de la Russie.

Selon Fitch Ratings[7], le volume d’importation de gaz russe par les gazoducs étaient supérieur à la totalité des exportations de gaz naturel liquéfié des États-Unis. Ainsi et à court terme, il serait donc particulièrement délicat de vouloir se passer des importations de gaz russe. L’Allemagne, encore elle, a refusé que l’Europe prenne une telle décision.

N’oublions pas que les exportations algériennes de pétrole et de gaz ont enregistré un important rebond, s’élevant à 24 milliards de dollars au cours les 10 premiers mois de l’année 2021, soit une augmentation de 62 % par rapport à la même période de l’an dernier, selon les chiffres de ministre de l’Énergie [8].

En parallèle à cette guerre qui se déroule aujourd’hui en Ukraine, et qui impacte significativement nos pays par l’augmentation du prix du litre de carburant pour se déplacer, du prix du gaz pour se chauffer et demain du prix du blé pour se nourrir, un impact environnemental est à prévoir puisque les Nations européennes les plus dépendantes seraient donc amenées à rouvrir leurs centrales à charbon, ce qui est déjà le cas chez notre voisin allemand, démontrant une fois encore la stratégie catastrophique germanique baptisée Energiewende.

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[1] https://c-destailleurshenry.fr/taxonomie-le-nucleaire-et-le-gaz-comme-energies-durables/

[2] https://minfin.gov.ru/en/statistics/conbud/

[3] Revue statistique de l’énergie mondiale – édition 2021 : https://www.bp.com/content/dam/bp/business-sites/en/global/corporate/pdfs/energy-economics/statistical-review/bp-stats-review-2021-full-report.pdf

[4] Le gaz demeure tout de même à 443 gCO2e/kWh (là où le charbon est certes à 1 058 gCO2e/kWh mais où le nucléaire se retrouve lui à 6 gCO2e/kWh)

[5] Avis du 8 juillet 2021 disponible à cette adresse : https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/20210614_avis_nucleaire.pdf

[6] https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/eolien-et-gaz-la-preuve-par-l-exemple-allemand-904562.html – 21/02/2022

[7] https://www.fitchratings.com/research/corporate-finance/geopolitical-tensions-add-to-european-gas-market-tightness-07-02-2022

[8] https://c-destailleurshenry.fr/le-gaz-algerien-une-carte-a-jouer-pour-leurope/

Image par Gerald Krieseler de Pixabay

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