
Les tensions géopolitiques internationales avec la Russie sur le front ukrainien commencent à porter leurs premières conséquences d’envergures.
En effet, l’Allemagne, après moultes tergiversations, a décidé mardi 22 février dernier de suspendre la certification du gazoduc Nord Stream II faisant écho à la reconnaissance par Moscou de l’indépendance et de la souveraineté de l’ensemble des provinces ukrainiennes pro-russes séparatistes de Lougansk et Donetsk, lesquels forment ensemble la région du Donbass.
Nos voisins d’Outre-Rhin prennent certainement la décision la plus lourde énergiquement parlant puisque ce projet était très clairement LE projet phare du pays dans la mesure où il visait à détenir un lien économique fort avec la Russie afin de mener à bien la fameuse transition énergétique allemande appelée Energiewende.
Plus que cela, l’Allemagne espérait tenir le robinet de gaz russe en Europe. Ainsi, et en menant une stratégie offensive de sortie du nucléaire, les bénéfices étaient doubles : nous vendre leurs éoliennes intermittentes et leur complément à savoir de l’électricité d’origine fossile.
Il est aisé de comprendre à la lumière des événements tragiques qui sont en train de se dérouler à la frontière ukrainienne que le jeu de carte monté par l’Allemagne s’effondre sur elle-même.
Le gaz naturel lui est tout bonnement indispensable pour mener à bien (ou à mal) sa transition énergétique. Fermeture des centrales nucléaires du pays d’une part, et investissement massif (plus de 500 milliards d’euros) sur les énergies renouvelables (plus de 40% en moyenne de la production électrique) d’autre part, ont poussé le pays vers une dépendance vis-à-vis de son ex-meilleur partenaire, fragilisant aujourd’hui ses approvisionnements.
L’ironie du sort réside peut-être dans un aspect chronologique. La construction du gazoduc Nord Steam II a été achevée à l’automne 2021 mais n’était pas encore entré en service pour la simple et bonne raison qu’il contrevenait à la législation européenne interdisant un producteur d’énergie d’être également distributeur.
Pour mémoire, ce projet a permis la construction d’une canalisation de 1 230 kilomètres contournant l’Ukraine et d’une capacité de 55 milliards de m3 de gaz par an.
Cette stratégie russe de passer par les Baltiques lui permettait à la fois d’augmenter ses exportations tout en affaiblissant économiquement l’Ukraine n’ayant plus à honorer le paiement de redevances pour le passage du gaz sur son territoire.
Le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz annonce que le projet va désormais faire l’objet d’une réévaluation politique qui a déjà fait réagir l’ancien président russe Dmitri Medvedev qui ne manquait pas de cynisme en affirmant « bienvenue dans un monde nouveau, où les Européens vont bientôt payer 2 000 € pour 1 000 m3 de gaz ».
La manœuvre allemande se retourne donc contre elle puisque le pays a importé en 2020 pas moins de 56,3 milliards de m3 de gaz russe, soit plus de 55% de ses besoins en gaz.
Même si la Russie n’est pas le seul exportateur de cette énergie fossile, le pays germanique va devoir rapidement étudier de nouvelles pistes pour éviter des coupures d’électricité sur son territoire car le coté obscur des énergies renouvelables est bel et bien leur intermittence comme évoqué en introduction de cet article et dans plusieurs de mes écrits disponibles sur mon blog.
J’ai eu l’occasion d’évoquer ces solutions alternatives lorsque je fus invité par la chaîne d’information now.ashaq en direct de Dubaï le 23 janvier dernier. En effet, la Norvège, mais également l’Algérie, le Qatar, le Nigeria et les États-Unis peuvent être des pistes.
Concernant l’Algérie, elle s’était déjà déclarée prête à répondre à toute demande supplémentaire de gaz pour ses clients européens (les exportations algériennes de pétrole et de gaz ont enregistré un important rebond, s’élevant à 24 milliards de dollars au cours les 10 premiers mois de l’année 2021, soit une augmentation de 62% par rapport à le même période de l’an dernier, selon les chiffres du ministère de l’Énergie).
En conclusion, le choix de favoriser des énergies renouvelables dont l’intermittence doit être palliées par les centrales à gaz qui elles-mêmes remplacent petit à petit les centrales à charbon encore grandement utilisées dans ce pays mène l’Allemagne dans une situation particulièrement inconfortable.
La réduction voire la suppression des approvisionnement russes en gaz additionnée à une grande période de froid pourrait mener le pays à vider ses stocks dans les prochains mois.
L’on dit souvent qu’à situation exceptionnelle, des décisions exceptionnelles doivent être menées. Iront-elles jusqu’à la réouverture des centrales nucléaires ? Un comble pour des politiciens qui combattent ardemment cette énergie pourtant quasi-décarbonée. Hélas, l’entêtement des hommes est parfois plus grande que la raison…
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