
L’analyse des chiffres sur la première partie de l’année 2023 reflète la conséquence réelle des crises passées par une aggravation des défaillances d’entreprises en hausse significative. Pire même, selon ALTARES, Expert de l’information sur les entreprises, la France enregistre son plus lourd bilan au 2ème trimestre depuis 2016, bien au-delà des niveaux de défauts d’avant crise.
13 570 défaillances sont dénombrées par le BPCE L’Observatoire au 1er trimestre 2023, et 13 266 au 2ème trimestre 2023. Cela représente une hausse de 35 %.
Dans les faits toutes les entreprises ne sont pas logées à la même enseigne, tant dans leur taille que dans leur secteur d’activité. Ainsi, les défauts de PME (petites et moyennes entreprises) et ETI (entreprises de taille intermédiaire) sont au plus haut depuis plus dix ans et la situation est très dégradée s’agissant des entreprises comptant entre 10 et 100 salariés (représentant entre 11 % et 19 % au-dessus du niveau de 2019). Pour donner quelques chiffres, sur le deuxième trimestre 2023, 12 130 entreprises défaillantes comptent moins de 10 salariés, soit 91 % du total des procédures sur cette période.
La conséquence de cette très forte hausse des défauts de PME et ETI se porte sur le nombre d’emplois menacés qui dépasse les 55 000, du jamais vu depuis 2014.
Concernant le secteur d’activité des entreprises impactées, il faut noter que ce sont celles en lien direct avec le consommateur qui paraissent le plus en difficultés :
- Agroalimentaire : +19 %, au plus haut depuis cinq ans,
- Coiffeurs et soins corporels : +35 % soit une sinistralité au plus haut sur dix ans,
- Commerce d’habillement : +72 %, un nombre qui n’avait plus été atteint depuis plus de cinq ans,
- Agences immobilières : +104% soit le plus mauvais chiffre depuis le T2 2014.
Cela se fait d’autant plus ressentir dans un contexte inflationniste qui a modifié les comportements des consommateurs.
L’actualité regorge malheureusement d’entreprise à la dénomination sociale connue qui tombe pourtant en désuétude :
- Liquidation judiciaire pour Camaïeu et San Marina,
- Redressement judiciaire pour les enseignes André, Kookaï, Go Sport, Du Pareil au même mais aussi la branche distribution de Maison de la Literie (à noter que l’enseigne Jennyfer est en passe de faire partie de la liste),
- Procédure de sauvegarde pour Sergent Major,
- Repreneur pour Kaporal…
Sur les procédures collectives en elles-mêmes, il est à noter que le nombre de procédures de sauvegarde est quasiment à son plus haut niveau historique. Les liquidations judiciaires quant à elles accusent une forte accélération (leur niveau est désormais supérieur à celui de 2019).
« Des redressements judiciaires moins nombreux qu’avant Covid mais des liquidations judiciaires bien plus fréquentes illustrent la profonde détresse financière des entreprises qui font actuellement défaut »
souligne Thierry Million, directeur des études ALTARES.
Concernant la procédure éphémère de traitement de sortie de crise, qui a pris fin en juin 2023 alors entrée en vigueur en octobre 2021, on note 155 entreprises y ayant eu recours. Pour 72% de celles-ci, un plan de redressement a pu être adopté. Pour les 28% restantes, une conversion en redressement judiciaire voire en liquidation judiciaire a été nécessaire.
Enfin, on retiendra tout de même la très forte résilience des très jeunes entreprises (créées en 2020), qui résistent mieux (en recul de 5% des défaillances). Elles sont en effet 29% inférieures à leur niveau de 2019. Par une analyse pragmatique, il faut se rappeler qu’elles ont été lancées en pleine crise sanitaire du Covid-19 dans une certaine forme d’adversité avec des projets certainement mieux préparés aux aléas mais aussi plus solidement financés.
Le Groupe BPCE conclue leur analyse en rappelant que depuis un an, l’environnement est à la fois inflationniste et ne génère que peu de croissance, ce qui fragilise notamment la trésorerie de nombreuses entreprises.
Il ne faut pas oublier que l’accès au crédit tend à se réduire, et le remboursement de la « dette Covid » notamment des prêts garantis par l’État, siphonne de la trésorerie. A cela s’ajoute également les prix de l’énergie.
Enfin, rappelons également que selon ALTARES, les URSSAF n’ont pas pleinement redémarré les assignations d’entreprises en défaut de paiement, expliquant pour partie la résilience apparente de certaines petites entreprises et l’absence de surreprésentation dans les défauts des secteurs les plus affectés par les restrictions sanitaires (hôtellerie, restauration, construction).
En 2023, et probablement en 2024 également, les assignations par l’URSSAF des entreprises fragilisées par la crise Covid, par le choc énergétique et par le ralentissement économique vont s’ajouter au nombre « naturel » de défaillances, ne laissant pas présager un horizon dégagé pour le secteur économique. Les menaçants nuages planent toujours au-dessus de la tête des plus fragiles et fragilisés par ces années passées.
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Image par Bruce Emmerling de Pixabay
Source : BPCE L’Observatoire – flash n° 364 – Mai 2023
Communiqué de presse ALTARES – 12 juillet 2023
STAT INFO – Banque de France – juin 2023
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